Dans un contexte de mise à l’arrêt brutal de pans entiers de l’économie française, la demande placée d’entrepôts logistiques a totalisé 360 000 m² au 1er trimestre 2020, son plancher bas des 15 dernières années. Analyse du marché par les experts de Cushman & Wakefield.

Dans un contexte de mise à l’arrêt brutal de pans entiers de l’économie française, la demande placée d’entrepôts logistiques a totalisé 360 000 m² au 1er trimestre 2020, son plancher bas des 15 dernières années. Analyse du marché par les experts de Cushman & Wakefield.

D’une certaine façon, le confinement est venu accentuer ce qui aurait été par ailleurs un démarrage assez faible, sans être catastrophique. En revanche, la quasi impossibilité de concrétiser des transactions pendant deux mois va considérablement écrêter l’activité du 2ème trimestre, sans compter les délais d’instruction de permis de construire et d’ICPE repoussés. Le redémarrage s’effectuera donc graduellement au second semestre et, dans ces conditions, un volume de 2 millions de m² commercialisés en 2020 pourrait être accueilli comme une « performance ».

Beaucoup d’entreprises se sont concentrées sur le maintien de leur cœur d’activité au moyen de leurs capacités d’entreposage existantes, mettant entre parenthèse leurs projets immobiliers et limitant leurs prises à bail à des surfaces de débord. Plusieurs mois devront s’écouler avant d’entrevoir une normalisation de la situation et retrouver la pleine et entière expression de la demande de surfaces d’entreposage en France. Outre la résolution sanitaire de la crise et le bon déroulement du déconfinement, ce retour à l’équilibre dépendra aussi en grande partie de la consommation des ménages. Grande distribution, commerce spécialisé, commerce de gros et industrie évoluent en effet en ordre dispersé, oscillant entre mise à l’arrêt et surrégime, dans un contexte d’effectifs réduits.

Cette crise a, en tout cas, constitué un « stress test » formidable qui démontre la capacité des filières de la logistique et de la distribution à maintenir leurs supply chain opérationnelles. Après la précipitation des premiers jours sur l’alimentaire et les produits de première nécessité, les ruptures de produits sont restées assez limitées et la situation s’est peu à peu normalisée. Les solutions omnicanales et e-commerce ont certes bénéficié d’un effet de report, mais celles-ci doivent composer avec une demande accrue en situation de personnel réduit et de « consommation défensive » des ménages français. Il ne s’agit donc pas d’un jeu à somme nulle en matière de consommation. Jusqu’à présent, la fixation de loyers de présentation plus élevés et la diminution des mesures d’accompagnement étaient devenus la norme, non seulement sur les marchés les plus établis mais aussi d’autres plus secondaires.

Pour l’instant, le statu quo prévaut sur les valeurs locatives, mais certains signaux devront être surveillés, en particulier l’évolution des délais de commercialisation, de la demande exprimée, de l’offre immédiate et… des mesures d’accompagnement. « Combiner une localisation stratégique, un bâti de qualité et un potentiel d’extension restera au cours des prochains trimestres le meilleur rempart contre des éventuelles corrections de loyers » analyse Alexis Bouteiller, Directeur logistique utilisateurs chez de Cushman & Wakefield.

L’offre immédiate d’entrepôts (2,9 millions de m² début avril 2020, + 5% depuis fin 2019) reflète des évolutions contrastées entre la dorsale et les marchés hors de cet axe. Ces tendances ne traduisent pas encore pleinement les effets du creux d’activité attendus au 1er semestre, et plusieurs phénomènes pourraient alourdir l’offre immédiate au cours des prochains mois : une consommations moins forte de surfaces logistiques, des libérations d’entrepôts, auxquelles s’ajouteront les livraisons des opérations démarrées en blanc avant le confinement. Bien que la crise sanitaire et le confinement peuvent être qualifiés de « tempête conjoncturelle », des répercutions pourraient appeler des changements plus structurels. Il est en tout cas peu probable que le « business as usual » prévale pour tous les utilisateurs d’immobilier logistique à moyen terme.

Certaines questions ne manqueront pas d’émerger ou de s’amplifier en matière logistique, comme la géographie d’implantation, l’appréciation du risque dans la supply chain, sur fond d’accélération dans l’adoption de solutions omnicanales et e-commerce. A l’inverse du locatif, l’investissement en immobilier logistique a totalisé 1,4 milliard d’euros au 1er trimestre 2020, un volume d’activité record qui dépasse, à lui seul, le rythme de plusieurs années pleines. Au-delà des volumes et des records, la crise sanitaire actuelle produira probablement ses effets au cours des prochains trimestres. Ce n’est pas tant l’appétit des investisseurs pour la logistique qui est remise en cause – ils confirment leur intérêt pour cette classe d’actifs – mais plutôt la difficile concrétisation des transactions. « La concurrence reste forte entre investisseurs souhaitant se renforcer ou se diversifier en logistique. Contrairement aux cycles de retournement conjoncturels précédents, l’investissement en immobilier logistique pourrait même sortir gagnant en comparaison de classes d’actifs plus chahutées. Le premium pour des actifs prime restera intact, mais l’écart avec des acquisitions plus incertaines pourrait s’accroître. La juste appréciation du risque sera plus que jamais de rigueur » analyse Romain Nicolle, Directeur logistique investissement. Suite aux mesures de confinement décrétées dans la plupart des pays, l’une des principales difficultés pour les chaînes logistiques longues consiste à maîtriser la désynchronisation entre l’offre et la demande Alors même que la production reprenait en Chine, l’Europe et les USA adoptaient des mesures de confinement propices à contraindre et réorienter la consommation des ménages Aucun indicateur classique n’est apte à rendre compte pour le moment de la cinétique du choc encaissé par les secteurs du commerce (au sens large), de l’industrie et des services Il est néanmoins clair qu’une mobilisation sans précèdent des filières de la logistique et de la distribution a permis de faire face puis de normaliser la situation sans rupture majeure de la supply chain Les situations sont désormais très contrastées entre les chargeurs de la grande distribution, de l’industrie, du e commerce et les logisticiens qui opèrent pour ces clients

Les éléments clés à retenir :

La demande placée d’entrepôts logistiques a totalisé 360 000 m² au cours du 1er trimestre 2020 un volume partiellement amputé par des mesures de confinement exceptionnelles.

La majorité de l’activité s’est concentrée hors de la dorsale, une répartition géographique qui fait la part belle aux régions des Hauts-de-France, du Centre Val-de-Loire, et de la Normandie.

Ce rythme transactionnel reflète pour l’heure davantage les effets d’un choc exogène à l’immobilier logistique qu’un réel changement dans la demande exprimée par les utilisateurs, mais ses effets secondaires se prolongeront sur l’ensemble de l’année 2020.

Les dynamiques sont antinomiques entre la grande distribution généraliste, ouverte et opérationnelle, et la distribution spécialisée à l’arrêt, qui doit gérer surstocks et chiffres d’affaires en chute libre.

Les valeurs locatives restent stables, mais au cours des prochains trimestres, combiner une localisation stratégique, un bâti de qualité et un potentiel d’extension restera le meilleur rempart contre des corrections de loyers.

L’offre immédiate d’entrepôts (2,9 millions de m² en avril 2020) a légèrement progressé, une tendance qui pourrait se prolonger au cours des prochains trimestres.

A contrepied du marché locatif, l’investissement en immobilier logistique a démarré sur son meilleur trimestre de la décennie, avec 1,4 milliard d’euros d’engagements, un record. Son poids culmine à 20% de l’immobilier banalisé, du jamais vu.

L’après confinement pourrait voir émerger des réflexion nouvelles en termes de schémas d’approvisionnement et de solutions logistiques.